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Métier d’art : rencontre avec Claire Mazurel, créatrice de luminaires

A l’occasion des Journées européennes des métiers d’art qui se déroulent cette semaine dans toute la France et en Europe, l’interview reconversion de Claire Mazurel, créatrice de luminaires, qui ouvre les portes d’un lieu singulier à Versailles : La tangente, centre d’événements artistiques et culturels implanté dans un ancien site industriel des années 20.
© Karine Peron Le Ouay
Prenez la Tangente à Versailles
Peintre, musicien, bétonneur, graveur… Chaque artiste, artisan ou créateur apporte sa touche à la Tangente : « Dehors c’est le Versailles normal ». A 47 ans, Claire Mazurel, ancienne professeur de Lettres devenue créatrice de luminaires, donne rendez-vous pendant trois jours au grand public sous la verrière (ce vendredi 5 avril de 15h à 19h, samedi de 11h à 21h et dimanche de 11h à 19h).
#jema
Venez échanger et découvrir les ateliers de plusieurs artistes, notamment Patrick Paris, lui aussi professionnellement reconverti ; cet ancien officier officie actuellement dans le design de béton.
© Karine Peron Le Ouay
L’INTERVIEW RECONVERSION de Claire Mazurel
Combien de temps avez-vous été prof ?
Claire Mazurel : J’ai été prof de Lettres pendant une dizaine d’années, d’abord en Picardie puis en collège en Seine-Saint-Denis dont 8 ans à Montreuil.
Pourquoi avez-vous décidé d’arrêter ?
Claire Mazurel : J’ai adoré ce métier, particulièrement en zone difficile, mais c’est fatigant nerveusement et il suffit d’un changement de direction dans un établissement pour que tous les projets mis en place soient réduits à néant. Nous avions un partenariat avec la Cinémathèque française qui valorisait des enfants en difficulté ou nouvellement arrivés en France et qui leur donnait une opportunité de s’exprimer autrement. Du jour au lendemain, les heures dédiées à cette activité ont été éliminées du projet d’établissement. Ça a été le déclic.
Quel a été le déclic pour vous lancer dans la création de luminaires ?
Claire Mazurel : C’est un long cheminement. Je prenais des cours de sculpture et me suis prise de passion pour cette pratique artistique. Un jour, j’ai décidé de me mettre en disponibilité auprès de l’Education Nationale et j’ai trouvé un boulot alimentaire qui me laissait du temps libre pour sculpter. Ce qui me plait dans la sculpture, c’est le rapport à la matière et l’infinie possibilité d’exploration de ces matières : la résine, le plâtre, la terre, le latex, le textile, le bois… J’ai déménagé à Versailles et partagé un atelier collectif dans lequel il y avait aussi des artisans. Le glissement vers l’objet, le luminaire en l’occurrence, s’est fait naturellement, au fil du temps. Il y a 6 mois, j’ai décidé de me mettre à mon compte et de m’y consacrer à plein temps.
Qu’est-ce qui vous plait le plus dans votre nouvelle activité ?
Claire Mazurel : La liberté, sans aucun doute. Le plaisir de respirer l’odeur de l’atelier le matin, de chercher en permanence des matériaux différents, des savoir-faire autres. C’est aussi un défaut car je ne peux pas répéter les mêmes gestes ou suivre la même source d’inspiration trop longtemps. Un ami artiste m’a initiée récemment à la technique japonaise du bois brûlé (shou-sugi-ban), avant je moulais différents types de fibres (chanvre, lin…), prochainement je voudrais faire une petite série avec du tulle d’inox…
Votre inspiration ?
Claire Mazurel : Je me rends compte aujourd’hui de la continuité entre la sculpture et le design de luminaire du point de vue de l’inspiration. C’est toujours la nature qui est au centre, l’organique. Je suis fascinée par ses textures et ses graphismes qu’ils soient d’ordre végétal, animal ou minéral : l’écorce d’un arbre, les branches, le givre, le corail, les bois d’un cerf, la forme d’une méduse, la mousse sur le granit… Il faut juste avoir les yeux grands ouverts.
Et la lumière est une façon de sublimer ces lignes, ces textures. Ou peut-être le contraste entre l’ombre et la lumière. Il y a un livre de Tanizaki, L’éloge de l’ombre, qui parle de ça et qui est magnifique.
Un bémol ?
Claire Mazurel : Il faut être prêt à se serrer la ceinture financièrement. Le plus compliqué a été de trouver des distributeurs adaptés. Les artisans qui m’entourent m’avaient prévenue : il faut compter 3 ou 4 années avant de pouvoir en vivre. C’est en même temps une stimulation incontestable et je n’ai jamais autant travaillé que depuis je suis mon propre patron.
Bon à savoir
Dans le domaine du luminaire, on distingue deux métiers…
- Le fabricant de luminaires qui s’illustre dans trois domaines : la restauration, la réédition de modèles anciens ou la création. Il propose des copies de style ou des pièces contemporaines qui mettent en œuvre une grande diversité de matériaux : bronze, fer, cristal, papier, tissu, végétaux, verre, céramique, bois, résine synthétique.
- Le fabricant d’abat-jour qui conçoit la forme et réalise la structure de l’abat-jour puis procède à son habillage. Traditionnellement en tissu, l’abat-jour peut être composé d’autres matériaux : bois, métal, plumes, papier.
Propos recueillis par Natacha Le Jort