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Ex salariée, auteur des Nouveaux Artisans

A la rencontre de Magali Perruchini, elle-même reconvertie et auteur du livre Les Nouveaux Artisans, portrait d’une génération qui bouscule les codes (Editions Eyrolles) dans lequel la blogueuse brosse le portraits de cadres qui quittent un “job à la con” pour se lancer dans l’artisanat ou celui de jeunes diplômés qui décident de suivre leur passion ou vocation plutôt qu’une voie toute tracée. Ainsi d’anciens cadres haut placés deviennent céramiste, mécano, boulanger…
Comme les artisans qu’elle a rencontrés, Magali quitte le salaire, la sécurité, le confort
Lasse de son travail de responsable de projet dans une agence de communication, Magali Perruchini decide de « sauter dans le vide, sans plan défini ». Accompagnée néanmois par une coach, Magali fait le tour de France des artisans en quatrelle et travaille aujourd’hui en indépendante.
« La reconversion aujourd’hui n’est plus un épiphénomène et nombreux sont les témoignages qui peuvent nous aider à franchir le pas et à garder le cap. »
Pourquoi vous êtes-vous reconvertie ?
Magali Perruchini : J’avais les mêmes symptômes que tous les artisans reconvertis que j’ai rencontrés depuis que j’ai quitté mon job : le sentiment de ne pas être à ma place, une quête d’autonomie et de créativité, et surtout une attirance pour autre chose. Depuis toujours, je nourris l’envie de « partir en rencontre » et de raconter des histoires de vie. J’ai été accompagnée par une spécialiste en reconversion avant de lancer le blog « Les mains baladeuses » grâce auquel je pars à la rencontre d’une nouvelle génération d’artisans entrepreneurs. Je pense que je ne l’aurais pas fait si j’étais restée en entreprise.
Comment a réagi votre entourage face à ce changement de vie ?
Magali Perruchini : Mes amis m’ont beaucoup soutenue et ont compris mon choix car eux-mêmes étaient passés par cette même remise en question et on fait le choix de travailler en indépendants. Concernant ma cellule familiale, j’ai simplement dû rassurer mes parents. Ils me soutiennent beaucoup alors que je fonctionne dans un schéma opposé au leur. Je leur en suis très reconnaissante. Quand on se lance dans une nouvelle vie professionnelle, sans trop savoir où l’on va, c’est très important de s’entourer de proches qui nous offrent leur appui ou de personnes qui sont passées par là.
Qu’est-ce qui ne vous plaisait plus dans votre ancien métier ?
Magali Perruchini : Il n’était tout simplement pas fait pour moi. Quand on travaille en agence de communication, une grande partie de notre travail consiste aussi à répondre à des appels d’offres ; de fait, on travaille souvent sans pouvoir mettre en œuvre ce que l’on a préconisé et imaginé. C’est un peu frustrant.
Ce qui vous plait le plus aujourd’hui ?
Magali Perruchini : J’adore aller collecter et écouter des histoires de vie, les intégrer et les restituer ensuite aux lecteurs en espérant pouvoir à la fois les inspirer mais aussi induire une réflexion. J’œuvre pour promouvoir certaines valeurs qui me sont chères comme l’authenticité, la créativité, l’idée d’oser être soi et d’entreprendre.
Qui sont les nouveaux artisans ?
Magali Perruchini : C’est une nouvelle génération qui a fait le choix d’exercer un métier manuel, qu’il soit la résultante d’une vocation précoce ou d’une reconversion tardive. J’ai rencontré un directeur marketing devenu mécanicien moto ; une docteure en géologie devenue origamiste ; un commercial devenu boulanger ; un banquier devenu fromager…
Ils ont pour points communs, entre autres, de pratiquer un savoir-faire traditionnel tout en l’inscrivant dans la modernité. Ils allient le local et l’hyperconnecté, le geste et la pensée, l’authentique et le sens du marketing. Les néo-artisans bousculent aussi la définition de réussite sociale et interrogent le monde du travail “classique”. Ils disent quelque chose de nos aspirations en tant que travailleur, consommateur et plus globalement d’être humain.
Comme le dit le philosophe et mécanicien moto Matthew Crawford, auteur du best-sellet Eloge du carburateur : « S’interroger sur le sens du travail manuel revient à s’interroger sur la nature de l’être humain. »
Quelle est l’histoire de reconversion qui vous a bluffée ?
Magali Perruchini : Celle qui me vient spontanément à l’esprit est celle de Fred Jourden, directeur marketing international dans l’Internet devenu mécanicien moto. Issu d’une famille bourgeoise, il était hors de question pour lui d’exercer un métier manuel alors qu’il était attiré par la mécanique depuis son plus jeune âge. Son parcours de reconversion s’est effectué petits pas par petits pas, presque à son insu. C’est suite à l’achat d’une vieille moto des années 60 qu’il a pris des cours du soir de mécanique, pour pouvoir la réparer si jamais elle tombait en panne. Après l’obtention de son CAP, il a commencé à travailler en ¾ temps dans son entreprise, puis à mi-temps. Autant vous dire que ça ne se faisait pas trop pour un directeur marketing !
Il passait ses soirées et ses nuits au garage pour customiser des motos pour ses amis. Ça a duré quelques années, jusqu’à sa rencontre avec son futur associé Hugo Jézabel, ancien paysagiste. Ensemble, ils ont créé le garage de customisation de motos Blitz Motorcycles. Ils ont tous les deux quitté leur emploi et créent des motos depuis 10 ans maintenant.
Et vous, l’artisanat, est-ce un secteur qui vous attire ?
Magali Perruchini : C’est un secteur qui m’attire pour les valeurs inhérentes à ce domaine et pour ses magnifiques savoir-faire dont les artisans sont les garants et qu’ils perpétuent ; ce sont des passeurs d’histoire, car l’artisanat porte un fragment de l’humanité et de sa part de créativité. En revanche, je serais bien incapable d’être artisan moi-même, je pense malheureusement n’avoir aucun talent !
Enfin, quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui voudrait se lancer, changer de vie ?
Magali Perruchini : Il est important de bien s’entourer et de ne surtout pas hésiter à faire des rencontres, notamment de personnes qui font le métier dans lequel nous souhaiterions nous reconvertir. Ce sont les rencontres qui nous emmènent sur notre propre chemin. On ne fait rien sans les autres. Se rappeler aussi que comme la vie elle-même – ce qu’on oublie parfois en pleine ère de l’immédiateté -, le chemin peut être long, mais qu’il faut savoir garder confiance et la cultiver. Chaque graine semée est la promesse d’une récolte à venir.
Propos recueillis par Natacha Le Jort