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Coronavirus : « Au Mexique, la vie est injuste. » Témoignage d’Hélène

Dans le contexte de la pandémie du coronavirus et de notre tour du monde des expatriés français, stop au Mexique avec Hélène Carrillo, confinée en couple à Monterrey.
Covid-19 & confinement : témoignage d’une Française au Mexique
Hélène Carrillo avait quitté la France car elle stagnait dans sa routine parisienne pour s’installer au Mexique et se reconvertir. Mariée à un Mexicain et auteur du blog A French in Mexico, elle habite toujours à Monterrey, capitale de l’Etat de Nuevo Leon.
Comment Hélène vit-elle la situation actuelle, tant sur le plan personnel que professionnel ? Qu’est-ce que la pandémie change concrètement à son quotidien ? Parvient-t-elle à se projeter ? Où en est son projet de reconversion ?
« Je suis confinée depuis le 23 mars, bien que le confinement n’ait été conseillé au Mexique que le 31 mars. Voyant la dégradation de la situation en Europe, j’ai pris le parti d’anticiper. »
Hélène : Fournissant des entreprises considérées comme indispensables (ex : usines qui fabriquent du matériel médical), mon mari n’est pas en mesure de faire du télétravail à 100 %, mais son activité a considérablement été réduite.
Je suis en contact avec ma famille en France, j’écoute tant BFM que France Inter, et je suis consciente que c’est difficile. Les masques ont été rendus obligatoires par les autorités mexicaines même si tous ne peuvent malheureusement pas s’en procurer, soit par manque d’approvisionnement, soit par manque d’argent. Beaucoup de Mexicains se demandent comment ils vont pouvoir nourrir leur famille : dans ce contexte, l’achat de masque apparaît comme secondaire.
Quant aux tests, il n’y en a presque pas au Mexique, d’où le fait que de nombreux cas de suspicion au COVID-19 sont catalogués comme pneumonies atypiques… L’Etat de Nuevo Léon, où je réside, est le seul qui a commencé à les mettre en place cette semaine.
« Le pire moment pour créer une entreprise. »
J’ai lancé mon entreprise en novembre dernier, un showroom de robes de mariée de créateurs français. Rétrospectivement, il semble que c’était le pire moment pour créer une entreprise… Je ne peux pas recevoir de clientes pour les essayages, aussi j’ai développé d’autres alternatives : renforcement de la communication sur les réseaux sociaux, édition de catalogues, vidéos du showroom et des robes, collaboration avec d’autres acteurs du secteur mariage… Le point positif est que je n’ai pas d’employé (je suis seule avec mon associé).
« Depuis mon expatriation au Mexique en juillet 2016, je suis habituée au télétravail. »
Je ne suis donc pas trop affectée à ce niveau-là. Comme tout le monde, cela m’ennuie de ne pas pouvoir sortir mais je suis consciente que je ne suis pas à plaindre et je trouve toujours quelque chose à faire.
En revanche, ce qui est plus problématique, c’est que cette pandémie intervient quelques mois après le lancement de mon entreprise. Je commençais à recevoir mes premières clientes, or je suis désormais « freinée ».
« Le Mexique ne bénéficie pas de « parachute social » comme en France ou d’autres pays européens. »
A l’heure actuelle, les licenciements sont massifs, il n’y a aucun plan économique défini par le gouvernement et la seule préoccupation de beaucoup de gens est de savoir comment ils vont pouvoir se nourrir. C’est d’ailleurs pour cette raison que peu respectent le confinement.
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« Les hôpitaux publics manquent dramatiquement de moyens. »
La vie au Mexique est… injuste. Injuste dans la mesure où les inégalités sont telles que beaucoup de gens ne sont même pas en mesure de faire le confinement car leur unique préoccupation est de pouvoir se nourrir. Comment se protéger et préserver sa santé dans ces conditions ? Injuste aussi parce que beaucoup ne peuvent se permettre une prise en charge dans un hôpital privé, or les hôpitaux publics manquent dramatiquement de moyens. C’est sûrement partout le cas, mais si je compare le Mexique à la France, il y a quand même une grande différence : je ne pense pas qu’on mette quatre patients dans une chambre prévue pour deux en France ou qu’on demande aux proches d’apporter des couvertures de la maison.
« Mon projet est de rester au Mexique et de faire fonctionner ma boîte. »
Mais je n’exclue pas un retour en France si les conditions économiques deviennent trop compliquées. Je me refuse à être négative : la situation est ce qu’elle est et il nous appartient de faire au mieux pour s’y adapter.
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L’humeur d’Hélène
Je suis philosophe et prends cette pandémie comme un moyen de nous questionner : sur nos modes de consommation, sur l’environnement, sur le devenir de notre planète, sur notre rapport au travail, à notre habitat et sur nous-mêmes. Je suis par exemple fascinée de voir comment certaines personnes révèlent leur créativité en confinement, qu’il s’agisse d’écriture, de peinture ou même de cuisine. Je suis lucide et consciente que les conséquences économiques vont être très difficiles, mais je crois que ça nous donne l’opportunité de nous questionner.
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Propos recueillis par Natacha Le Jort