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Coronavirus : témoignages d’expatriés français à travers le monde

Dans le contexte de la pandémie du coronavirus, comment les expatriés français à travers le monde vivent-ils à la situation ? Leurs témoignages nous font sentir moins seuls ; l’occasion de s’ouvrir et de passer en mode panoramique plutôt que de se replier sur soi.
COVID-19 : tour du monde des Français de l’étranger
Si près de la moitié de la population mondiale est, début avril, totalement ou partiellement confinée, chacun s’arme de patience en espérant voir bientôt « le bout du tunnel ». Entre inquiétude quant à la crise économique et solidarité, certains lancent des cagnottes pour aider les plus modestes.
Quelle est l’atmosphère ambiante à l’étranger ? Les expatriés parviennent-ils à se projeter ?
Au final, nos problématiques ne sont pas si éloignées. Même en Birmanie, les écoles sont fermées. Au Pérou, le tourisme s’est arrêté. En Bolivie ou en Espagne, confinement strict. Sorties réduites, fermeture un peu partout des bars et des restaurants, vie professionnelle en stand-by, télétravail, humeur changeante « difficile à décrire », privilège de disposer d’un extérieur, importance de la famille, interdiction de voyager…
Si la pandémie rend la projection difficile, la plupart des expatriés se montrent positifs et attendent « des jours meilleurs », même si certains n’excluent pas un retour en France au cas où la situation ne s’arrangerait pas dans leurs pays respectifs. Voici notre tour d’horizon, avec prise d’humeur instantanée de Français partis vivre à l’étranger et interrogées entre la fin du mois d’avril et début mai 2020.
● Allemagne ● Angleterre ● Birmanie ● Bolivie ● Canada ● Espagne ● Etats-Unis ● Hong Kong ● Irlande ● Mexique ● Pérou ● Russie ● Thaïlande
Allemagne
« En Allemagne, la vie est plus facile qu‘en France, donc on se sent plus libre. »
→ Témoignage de Marianne, professeur d’allemand et de français, qui vit près de Cologne.
« Le motto „Rester chez soi“ mais on peut sortir quand on veut, sans gants ni masque. À titre personnel, je suis plus reposée, je m‘occupe de choses plus essentielles et j’ai naturellement davantage de temps pour mes enfants. Professionnellement, les contacts avec les élèves me manquent énormément. On ne peut enseigner continuellement ainsi. Les élèves ont besoin d‘un meilleur suivi, de repères. Mais la situation va changer, surtout à partir de mai. »
Angleterre
« A Manchester, la vie est en suspens. »
→ Témoignage de Nolwenn Beschemin, en reconversion professionnelle et confinée en famille à Manchester.
« ll est difficile de se projeter, tout est un peu en attente. On voit au jour le jour. J’essaie de me recentrer sur les valeurs essentielles et de faire en sorte que ce confinement soit pour les enfants le meilleur souvenir possible. Alors on déroge un peu sur des règles habituelles pour adoucir ce quotidien qui est anxiogène pour nous les adultes et que les enfants peuvent ressentir. Mais on reste conscients que la gestion sera très compliquée au Royaume-Uni avec un système de santé qui souffrait déjà beaucoup et qui risque d’exploser. »
Birmanie
« En Birmanie, la vie est une longue histoire de compromis et d’adaptation. »
→ Témoignage de Yan, mariée à une Birmane, qui habite un village à 15 km de Mandalay.
« J’habite en campagne et seul le centre du village est confiné. Depuis peu, les gens doivent se laver les mains à l’entrée du village. Pas de test à disposition. Les commerces sont tous ouverts sauf les bars et les restaurants. Je suis moniteur de plongée, l’activité s’est arrêtée. Je me sens privilégié d’habiter en campagne et d’avoir de l’espace ; je suis logé et j’ai de quoi manger. Le travail reprendra bientôt et je peux attendre sans mettre ma vie en danger. »
Bolivie
« En Bolivie, la vie est pleine de surprises ! Le dicton que l’on répète très souvent : tout est possible mais rien n’est sûr ! »
→ Témoignage de Coline, professeur de français mariée à un Bolivien, expatriée à Sucre depuis 2 ans.
« Nous sommes confinés depuis le 15 mars, le confinement est assez strict ici. Les personnes de 18 à 65 ans peuvent sortir une matinée par semaine selon le numéro de carte d’identité (ceux ayant une carte terminant par 1 et 2 peuvent sortir les lundis, 3 et 4 les mardis, etc. jusqu’au vendredi). Les weekends, personne ne peut sortir et les sorties sont limitées aux achats essentiels. A 13h tout le monde doit être rentré sous peine d’amende et de garde à vue. Les masques sont obligatoires, nous ne disposons pas de tests. Les écoles et universités sont fermées. »
Enseignante, Coline peut travailler à distance et propose, depuis le début du confinement, des classes virtuelles, mais les conditions ne sont pas optimales car la connexion est très instable. Ces classes virtuelles qui permettent de maintenir un salaire minimum demandent plus de travail.
Pour Coline, il est très difficile de se projeter de manière générale en Bolivie car tout peut toujours changer à la dernière minute. La pandémie la fait se questionner sur son expatriation et sur son avenir en Bolivie.
Etats-Unis
« A New York, la vie est belle, surprenante, dure et enrichissante. Il faut s’accrocher et y croire, car cette ville a la puissance de vous faire réaliser vos rêves si vous vous en donnez les moyens. »
→ Témoignage de Marie Rousselle, expatriée à New York City, career & life coach certifiée spécialisée dans la transition professionnelle et l’accompagnement des expatriés francophones dans leur recherche d’emploi.
« Nous sommes confinés depuis le 16 mars 2020. Nous avons la liberté de sortir, les recommandations sont de porter un masque mais rien n’est obligatoire. Le télétravail est généralisé sauf pour les essential workers. Les écoles sont fermées jusqu’à septembre et les summer camp annulent au fur et à mesure pour cet été. Gros point d’interrogation sur la rentrée. »
Marie a lancé un webinaire sur la reconversion professionnelle, qui découle directement de la situation actuelle. Marie est impatiente de voir le futur que nous allons créer : « Pour moi cette crise, qui survient en 2020, l’année où nous devions justement réduire les émissions carbone pour assurer la survie de notre espèce à environ 30 ans, est l’occasion unique de revoir notre modèle économique, sociétal et environnemental. Que ce soit personnellement et professionnellement, c’est un moment propice à la réflexion, la reconversion, au changement, pour aller dans une direction qui a plus de sens, et plus respectueuse de ses besoins individuels et collectifs. »
Hong Kong
« A Hong Kong, tout tourne au ralenti, mais j’ai réussi à trouver du travail pendant cette période. »
→ Témoignage de Lise qui s’estime chanceuse d’avoir trouvé un poste de marketing digital dans un groupe de bars à vins, fromageries et boucheries à Hong Kong.
« A Hong Kong, nous ne sommes pas confinés. Cependant, les bars, les écoles et de nombreux lieux publics sont fermés. Nous pouvons en revanche continuer à aller au restaurant, mais nous ne devons pas être plus de 4 par table, chaque table devant être espacée de 1,5 m. Sinon, nous devons porter des masques quand nous sortons à l’extérieur et bien sûr nous laver les mains. […] Je vais au bureau tous les matins en bus. Les transports sont réguliers. Mais certaines entreprises imposent le télétravail à leurs employés. […] Je me dis que j’ai beaucoup de chance d’être à Hong Kong car les mesures de précaution ont été prises très rapidement ici, du coup nous avons assez peu de cas de coronavirus aujourd’hui. Ce qui nous laisse une certaine forme de liberté par rapport aux autres pays. »
Travail intense et passionnant pour Lise. Belle projection de ce côté-là. Mais, à titre personnel, Lise aime beaucoup voyager et cette pandémie a stoppé ses projets, y compris en France pour assister à certains événements familiaux. Ce n’est que partie remise. Lise essaye de positiver et de se dire que tout cela va vite passer, même si elle a hâte de faire tomber le masque et de ne plus avoir peur de retrouver ses amis sur les rooftops de la ville.
Canada
« Cette pandémie est finalement un bon moyen de relativiser. »
→ Témoignage de Kelly Tabuteau, en télétravail dans le Yukon, territoire du Nord du Canada, près de l’Alaska.
« Au Canada, les mesures restrictives sont déterminées par chaque province et territoire même si tous ont déclaré l’état d’urgence sanitaire. Nous sommes chanceux au Yukon d’être quelque peu isolés géographiquement du reste du pays, ce qui évite la propagation du virus. […] Nous avons tout de même des gestes barrières à adopter comme la distanciation physique et sociale, le lavage régulier des mains et l’auto-isolement obligatoire de 14 jours pour tout déplacement hors du territoire. Les regroupements de plus de 10 personnes sont interdits, tout comme les voyages non essentiels, et ce, même à l’intérieur du Yukon (certaines communautés rurales n’ont pas de médecin…). Les bars, restaurants et les établissements de services personnels sont fermés depuis la fin mars. En somme donc, nous ne sommes pas vraiment confinés même si nous faisons attention. Quant aux masques, les personnes se les font eux-mêmes. »
Si la vie est plutôt facile dans le Yukon, Kelly Tabuteau est inquiète pour ses proches, en France ou dans l’Est du Canada. Même dans ce territoire du bout du monde (un espace aussi grand que l’Espagne pour moins de 40 000 personnes !), Kelly ne parvient pas vraiment à se projeter : « Je devrais venir en France cet été et ne sais pas si cela sera possible. Je prends les jours comme ils viennent. Pour moi qui adore tout programmer et planifier, cette pandémie est finalement un bon moyen de relativiser ». Optimiste, Kelly ne s’arrête pas de vivre pour autant.
Espagne
« A Barcelone, la vie est en train de se réinventer. »
→ Témoignage d’Isabelle, en confinement strict à Barcelone où elle s’est expatriée suite à un vrai ras-le-bol de Paris et une envie de changer de vie en famille.
« Barcelone, si vivante en temps normal, semble comme endormie. Quand il s’agissait juste de faire les courses alimentaires, j’évitais au maximum car l’ambiance est très anxiogène. Depuis que je peux sortir 1h avec mes filles [après 6 semaines de confinement strict], ma vision a changé, même si cela reste une ambiance post apocalyptique…
Depuis la possibilité de faire du sport pour les adultes, on retrouve un peu de vie. Mais il va falloir nous habituer à vivre avec cette nouvelle normalité, cela ne sera à mon avis jamais plus tout à fait comme avant. »
A Barcelone, les masques sont obligatoires dans les transports en commun et distribués gratuitement à l’entrée des métros. Les commerces rouvriront progressivement en 4 phases jusqu’à la fin juin. Quant aux écoles, elles ne rouvriront pas avant la mi-septembre.
Isabelle a désormais une autre vision de ce qui est essentiel. Et la famille est décidément pour elle ce qu’il y a de plus important ! Résolument optimiste, elle vit le temps présent et pense que de cette crise pourra sortir quelque chose de bon ; cela ne fait que confirmer qu’il est grand temps de consommer autrement. Isabelle continue à travailler sur ses projets en attendant de meilleurs auspices.
Irlande
« A Dublin, la vie est à l’arrêt, mais on n’est pas les plus à plaindre. »
→ Témoignage de Thomas Bertin, freelance et confiné en famille à Dublin
« Les chanteurs de rue qui faisaient que c’était tous les jours la fête de la musique à Dublin restent maintenant chez eux. En revanche les phoques viennent nous dire bonjour quand on sort en bord de mer pour prendre un peu l’air. On dit qu’il pleut toujours en Irlande, et bien pendant le confinement, pour le moment, il fait beau et chaud. Heureusement qu’on a un petit jardin pour en profiter. […] Mon chiffre d’affaires s’est écroulé. Cette période est un peu compliquée et déprimante, mais je fais tout pour être prêt le jour où la vie reprendra.
Thomas a prévu de quitter l’Irlande et de rentrer en France cet été.
Mexique
« Au Mexique, la vie est injuste. »
→ Témoignage d’Hélène, auteur du blog A French in Mexico, confinée en couple à Monterrey.
« La vie au Mexique est… injuste. Injuste dans la mesure où les inégalités sont telles que beaucoup de gens ne sont même pas en mesure de faire le confinement car leur unique préoccupation est de pouvoir se nourrir. Comment se protéger et préserver sa santé dans ces conditions ? Injuste aussi parce que beaucoup ne peuvent se permettre une prise en charge dans un hôpital privé, or les hôpitaux publics manquent dramatiquement de moyens. »
Hélène projette de rester au Mexique et de faire fonctionner sa boîte, mais elle n’exclut pas un retour en France si les conditions économiques deviennent trop compliquées.
Pérou
« A Cusco, du jour au lendemain, tout a changé. »
→ Témoignage de Claire qui vient de reprendre une maison d’hôtes au cœur de la cordillère des Andes.
« Ici, à Cusco, les masques sont obligatoires pour sortir dans la rue. Nous pouvons en acheter dans les commerces et pharmacies. Mais sont-ils de qualité ? J’en doute ! Depuis le confinement, du jour au lendemain, nous n’avons plus de travail. […] Les touristes ont quitté la ville qui s’est éteinte. Cusco est calme, comme en suspens. Il n’y a plus personne dans les rues alors que nous allions commencer la saison touristique. Au lieu de cela, nous sommes dans l’attente face à un avenir incertain professionnellement. »
Claire a créé une cagnotte solidaire en soutien aux familles péruviennes. Avec son mari, ils ont envie de continuer à y croire et de se battre pour leur projet de vie.
Russie
« A Moscou, l’ambiance est assez particulière. »
→ Témoignage d’Alexandre Stefanesco, directeur d’un cabinet de recrutement, qui vit confiné en famille à Moscou.
« Moscou est d’ordinaire une ville énergique avec beaucoup de monde dans les rues. La vie y est vibrante en général ; c’est une ville immense, dynamique, en permanente transformation. Bien sûr nous nous contentons des sorties dans notre quartier, il est vraiment vide et nous voyons peu de gens, beaucoup portent des masques ; il y a un côté science-fiction mais j’ai bien peur que ça devienne la norme de l’après. »
Pour Alexandre, être entrepreneur en pleine crise économique est difficile. Il faut se battre pour sa cause et avoir du courage.
Thaïlande
« A Koh Samui, la solidarité est exemplaire. »
→ Témoignage de Benjamin Tomasini qui a dû quitter Bangkok et son job dans une boîte de nuit à cause du coronavirus. Il vient de s’installer sur l’île de Koh Samui où le confinement n’est pas de mise, mais le port du masque dans les habitudes. Couvre-feu et vente d’alcool prohibée.
« Une chose est sûre, la solidarité ici est exemplaire. Ma femme travaille dans une supérette indépendante. A cause de la baisse d’activité, un employé aurait dû être licencié pour baisser les charges patronales. Le temps de la crise, tous les employés ont accepté une baisse de leurs salaires respectifs de 20 % afin que cette personne menacée de perdre son emploi puisse continuer à travailler, et des exemples comme cela, vous en avez à tous les coins de rue. »
Professionnellement, la pandémie a entrainé une grosse baisse d’activité. Benjamin travaille même si l’activité dans son secteur, l’immobilier, est quasi nulle. Son agence a été sollicitée pour aider à récolter des fonds et distribuer de la nourriture aux plus démunis.
Propos recueillis par Natacha Le Jort