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Des Vosges au pôle Sud

Fabrice Morel, aujourd’hui marié et père de deux enfants, se souvient de ses expériences professionnelles au bout du monde, avec les TAAF (Terres australes et antarctiques françaises), comme si c’était hier. En effet, il est parti 3 fois comme cuisinier au pôle Sud. La première fois, il avait à peine 30 ans, il était célibataire. Il travaillait alors dans la haute gastronomie et commençait à fatiguer ; il avait envie de bouger, de voyager, de faire un break. Une place de cuisinier s’est libérée… en Antarctique ! Fabrice n’a pas hésité à démissionner pour un CDD de travailleur outremer, d’une durée comprise entre 6 mois et un an.
Des expériences professionnelles extraordinaires sur les îles perdues du sud de l’océan indien
Fabrice a notamment travaillé dans les châteaux, les palaces, puis avec un copain dans un restaurant gastronomique dans les Vosges. Il en avait assez de travailler 12 heures par jour et les week-ends ; il a tout quitté à 3 reprises pour un CDD de cuisinier au pôle Sud. Direction Crozet, les îles Saint Paul et Nouvelle-Amsterdam. Il revient pour nous sur ces expériences qui l’ont marqué à vie.
« C’est la claque émotionnelle, visuelle… On ne va pas là-bas que pour gagner de l’argent. Ce sont des moments de partage qui restent dans les mémoires. »
Au départ, les candidats à cette expatriation temporaire en Antarctique sont choisis par des médecins et des psychologues. « Il faut être prêt mentalement et professionnellement à vivre des choses parfois compliquées. C’est extrême avec peu de confort, même si l’on avait une bibliothèque, une salle de cinéma, un boulanger qui faisait des croissants tous les matins, du chauffage, de la lumière… et un cuisinier ! Ce n’est pas facile tous les jours. Des groupes se forment : un groupe qui dit toujours oui, un autre toujours non, un 3e qui est neutre. »
Comment vivre dans un espace clos avec 20 personnes et comment on se comporte ?
« On voyait l’évolution : au début tout va bien, puis ce n’est pas si évident que ça. Dès la première semaine vous avez déjà une situation sociale qui montre que quelqu’un est chef de district, un autre une grande gueule ; on retrouve tous les travers de la société actuelle, c’est amusant à vivre. Ça fait avancer dans la réflexion et la vie de tous les jours. »
Sur la base, la personne la plus importante c’est le cuisinier/pâtissier
Un électricien, un frigoriste et un mécanicien étaient présents en permanence, mais le cuisinier, c’est le baromètre de l’humeur. « Si un repas ne leur plait pas, vous en entendez parler pendant un an. Vous faites mal à manger, les autres sont sans pitié ! Le repas, c’est un moment de plaisir. A table, ils n’avaient pas le droit de s’engueuler. »
Comment supporter le froid ?
« On passe beaucoup de temps à l’intérieur, c’est chauffé (sauf Amsterdam, climat subtropical avec des températures qui peuvent monter jusqu’à 10-12 degrés). J’ai découvert le froid, j’ai adoré les paysages, les animaux. Il n’y a pas d’arbres, très peu de flore. Vous vivez le froid : vous vous habillez et vous apprenez à faire les choses quand il fait très froid. Lorsque par exemple vous partez marcher 8 à 9 heures avec les ornithologues et les chercheurs. Dans ces endroits extrêmement libérés de la civilisation, on retrouve des sensations qu’on a perdues, et l’on découvre des choses nouvelles avec des scientifiques. »
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Fuir la pollution de la vie moderne
Fabrice a bu la meilleure eau de la planète, il a mangé du poisson bleu, touché un grand albatros, nagé avec les otaries… Il aime d’ailleurs s’en amuser : « Connaissez-vous la différence entre un manchot et un pingouin ? Le manchot nage et il est au sud. Le pingouin est dans l’hémisphère Nord et il vole. »
La sensation de voir quelque chose d’unique
« Vous travaillez, vous participez aux missions à la recherche, mais pas grand-chose à faire sur place. Vous passez beaucoup de temps à regarder l’océan et la vie qui passe, il faut être prêt à le faire. Aller là-bas, c’est une vraie démarche… Aujourd’hui, ils ont Internet. »
Le risque de dépression est réel (suite par exemple au décès d’un proche ou en cas de divorce). Il faut ensuite se réadapter à la France. Mais « tous ceux qui y ont été, même ceux qui n’ont pas apprécié l’endroit, sont marqués, ça a transformé leur vie. Si ça ne tenait qu’à moi, je repartirais ! ».
Fabrice a gardé quelques contacts de ces voyages extrêmes et certains sont devenus des amis. Se rendre au pôle Sud comme touriste est plus onéreux. Sa conclusion : « Envie d’aventure, de sensation, d’émotion ? N’hésitez pas ! »
Plein de ressources, Fabrice a une nouvelle passion : les jeux de société. Il en crée et rêve secrètement d’en commercialiser un jour. Encore une histoire de partage !
Propos recueillis par Natacha Le Jort